La réforme du droit de la famille instituant le principe de l’autorité parentale conjointe : à la recherche d’une égalité pour tous les parents indépendamment de leur statut juridique

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REAL, Avocats à la Cour

 

La réforme de l’autorité parentale est devenue indispensable en raison des nouvelles formes de parentalités et de la nécessité, rappelée à maintes reprises par la Cour constitutionnelle, de mettre sur un pied d’égalité les parents, quel que soit leur statut matrimonial.

 

Le législateur a en effet pu constater que les dispositions légales antérieures à la loi du 27 juin 2018 ne reflétaient plus la réalité de la société luxembourgeoise, le mariage étant désormais largement concurrencé par d’autres formes d’union. En outre, les anciennes dispositions du Code civil relatives à l’autorité parentale ont été déclarées inconstitutionnelles par la Cour constitutionnelle par un arrêté du 26 mars 1999.

 

La réforme de l’autorité parentale prévoit ainsi comme principe général celui de l’autorité parentale conjointe (1). Le législateur a également veillé à règlementer l’autorité parentale en cas de séparation des parents (2).

 

  1. Le principe de la coparentalité établi en règle

 

La loi du 27 juin 2018 a expressément introduit le principe selon lequel les parents, qu’ils soient mariés ou non, exercent en commun l’autorité parentale à l’égard de leur enfant. La notion même d’autorité parentale a été également précisée par le nouvel article 372 du Code civil qui l’a définie comme « un ensemble de droits et devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant ».

 

Les règles antérieures d’attribution de l’autorité parentale variaient en fonction du statut matrimonial des parents. Pour les enfants nés dans le mariage, l’autorité parentale était exercée conjointement par les deux époux. Par contre, pour les enfants nés hors mariage, l’ancien article 380 du Code civil disposait que, même si les deux parents ont reconnu l’enfant, la mère exerçait seule l’autorité parentale, sauf déclaration conjointe des parents devant le Juge des tutelles ou décision judiciaire ordonnant l’exercice conjoint de l’autorité parentale. Cette disposition légale a été déclarée comme étant contraire à l’article 11 (2) de la Constitution par la Cour constitutionnelle dans l’arrêt précité.

 

Le principe de l’exercice commun de l’autorité parentale opérée par la nouvelle loi a comme conséquence qu’en principe l’accord des deux parents est nécessaire pour tous les actes usuels et non-usuels qui relèvent de l’autorité parentale.

Cependant, lorsqu’un des parents prend une décision qualifiée d’acte usuel, l’accord de l’autre parent est présumé, contrairement aux actes non-usuels pour lesquels l’accord de l’autre parent n’est pas présumé.

 

En cas de désaccord des parents sur une décision à prendre, chaque parent est libre de saisir le Juge aux affaires familiales qui devra alors trancher en fonction de ce que l’intérêt de l’enfant exige.

 

Le corollaire du principe de la coparentalité est que la séparation des parents est sans incidence sur le principe de l’exercice conjoint de l’autorité parentale. Ce principe s’applique tant aux parents mariés, divorcés, séparés ou qui étaient liés par un partenariat.  La loi a ainsi introduit un régime uniforme d’organisation des modalités d’exercice de l’autorité parentale.

 

Après la séparation des parents, est affirmé le droit de l’enfant au maintien des liens avec ses deux parents, tandis que chacun des parents a l’obligation de maintenir les relations personnelles avec l’enfant. Cette règle s’applique non seulement au parent avec lequel l’enfant réside habituellement mais aussi au parent avec lequel l’enfant ne vit pas habituellement ou au parent qui ne dispose pas de l’autorité parentale.

 

  1. L’autorité parentale en cas de séparation des parents

 

La nouvelle loi entend favoriser les accords entre les parents surtout en cas de séparation et ce conformément au concept de coparentalité. Les parents pourront ainsi formaliser leur accord sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale dans une convention qui peut, à leur demande, être homologuée par le Juge aux affaires familiales.

 

Ainsi, une grande nouveauté réside désormais dans l’introduction, dans le Code civil, du concept de la résidence alternée (possibilité de fixer la résidence de l’enfant alternativement au domicile de chacun des parents), qui est limitée toutefois au cas où elle rencontre l’accord des deux parents.

 

La résidence alternée n’impose pas un partage strictement égal du temps de résidence de l’enfant au domicile de chacun des parents et présuppose quand même une certaine proximité des domiciles respectifs des parents et une bonne entente entre eux, dans l’intérêt de l’enfant commun.

 

Si l’exercice conjoint de l’autorité parentale des parents après leur séparation est le principe, le Juge aux affaires familiales peut néanmoins décider d’attribuer l’exercice de l’autorité parentale à un seul parent, lorsque l’intérêt de l’enfant exige. Le parent qui n’exerce pas ou partiellement l’autorité parentale garde cependant en principe un droit de visite et d’hébergement sauf lorsque des motifs graves s’y opposent.

 

Concernant l’exercice du droit de visite et d’hébergement, le législateur a souhaité consacrer une pratique qui existe déjà actuellement, à savoir que le droit de visite peut, lorsque l’intérêt de l’enfant le commande ou lorsque la remise directe de l’enfant présente un danger, s’exercer dans un espace de rencontre ou en présence d’une tierce personne.

 

En outre, afin de prévenir les enlèvements internationaux d’enfants ou les cas de non-retour d’enfants après l’exercice d’un droit de visite et d’hébergement, le législateur a introduit la possibilité pour le Juge aux affaires familiales d’ordonner, dans des circonstances exceptionnelles, l’inscription dans le passeport de l’enfant de l’interdiction pour celui-ci de quitter le territoire du Grand-Duché de Luxembourg sans l’autorisation des deux parents.

 

Le législateur a également décidé d’élargir le champ des personnes pouvant demander un droit de visite, voire un droit d’hébergement à des tiers qui ne sont pas nécessairement des membres de la famille de l’enfant.

 

A travers cette réforme de l’autorité parentale, force est ainsi de constater que les parents se voient désormais mis sur un pied d’égalité quel que soit leur statut, dans le but essentiel d’adapter la loi à l’évolution de la société et notamment aux formes diversifiées que peut revêtir aujourd’hui une famille.

Les garanties issues de l’institution du Juge aux affaires familiales : entre simplification, rapidité, et réduction des coûts de la procédure dans l’intérêt des familles

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REAL, Avocats à la Cour

La réforme du droit de la famille opérée par la loi du 27 juin 2018 a regroupé un certain nombre de compétences pouvant être englobées sous le concept du « droit de la famille » entre les mains d’un magistrat unique : le Juge aux affaires familiales (ci-après le « JAF »).

 

Ces compétences, qui étaient initialement dispersées entre différentes juridictions comme le juge de paix, une chambre civile du tribunal d’arrondissement, le président du tribunal d’arrondissement, le juge de la jeunesse ou le juge des tutelles se retrouvent désormais énumérées à l’article 1007-1 du Nouveau Code de Procédure Civile.

 

Le JAF est ainsi compétent pour toutes les procédures relatives au mariage, comme par exemple les litiges relatifs aux droits et devoirs respectifs des époux. Il est également compétent pour connaître des procédures de divorce, que ce soit pour les mesures provisoires (ancien référé-divorce) ou pour le fond du divorce. Un autre contentieux très important qui relève du JAF est celui relatif à l’autorité parentale, c’est-à-dire les litiges relatifs aux modalités d’exécution de l’autorité parentale peu importe si les parents sont mariés, vivent ensemble, sont divorcés ou séparés. En outre, toutes les compétences qui concernent les mineurs et qui sont actuellement exercées par le Juge des tutelles sont transférées au JAF. Le même constat s’applique concernant les requêtes visant la prolongation de la période d’expulsion d’une personne, suite à un cas de violence domestique, matière qui était attribuée au président du Tribunal d’arrondissement.

 

Le but de la réunion de ces nombreuses compétences relatives au droit de la famille entre les mains du Juge aux affaires familiales est de permettre à ce magistrat de suivre une famille, dans la mesure du possible, à travers toutes les procédures qui peuvent surgir. Ce regroupement permet au juge d’avoir une vision globale de la famille et met fin à l’éparpillement des attributions entre les différentes juridictions.

 

La nouvelle procédure applicable au JAF a été guidée par le souci d’une simplification des procédures actuelles tout en respectant les droits de chacune des parties. A ce titre, l’innovation selon laquelle les mesures provisoires et le fond seront dorénavant toisés par le même juge, dans le cadre de la même instance, permet de gagner en efficacité et en rapidité, et facilite en même temps les démarches pour le justiciable.

 

 

Dans cet état d’esprit, le législateur a choisi la voie de la requête pour saisir le JAF au lieu de la procédure dite classique en matière civile consistant en une assignation nécessitant l’intervention d’un huissier de justice. La requête aura ainsi l’avantage non négligeable d’éviter l’engagement de frais de la part des parties, le service du greffe se chargeant de la convocation dans le cadre de l’ensemble des matières intéressant le droit de la famille.

 

Par ailleurs, le législateur a pris en compte le fait que le contentieux du droit familial concernait par essence des situations familiales très difficiles et qu’il était dans l’intérêt des familles, et surtout des enfants, d’avoir des réponses judiciaires rapides aux litiges qui se posent, raison pour laquelle la fixation des affaires devant le JAF est encadrée dans des délais restreints.

 

La nouvelle loi a également pour but de renforcer le rôle conciliateur du juge, les parties étant désormais obligée de se présenter personnellement devant lui. La procédure devant le JAF sera dans une très large mesure orale et se déroulera en présence des parties et le cas échéant de leurs avocats. Le JAF ayant une mission générale de conciliation des parties, il devra s’entretenir avec chacune des parties afin de se faire une idée d’ensemble du litige qui oppose les parties et de recueillir les points de vue de chacune d’elles.

 

Les dispositions législatives telles que modifiées par l’institution du JAF permettront ainsi de résoudre plus rapidement et efficacement le contentieux familial et tendront à l’apaisement de ce contentieux et à la préservation des liens entre les enfants et leurs deux parents postérieurement à la séparation du couple parental.

Autre nouveauté de la loi du 27 juin 2018 : l’homologation, gage de sécurité pour les parties afin de voir exécuter leur convention

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REAL, Avocats à la Cour

Nombreux sont les parents qui entendent régler les conséquences de leur séparation par le biais d’une convention dans le cadre de laquelle ils auront déterminé, au préalable et d’un commun accord, les différentes modalités tels que notamment l’exercice de l’autorité parentale, la fixation du domicile et du droit de visite et d’hébergement de l’enfant commun, la pension alimentaire de l’enfant commun.

 

A cet égard, la réforme du droit de la famille opérée par la loi du 27 juin 2018 a introduit une innovation considérable en matière de procédures non-contentieuses puisqu’il est désormais prévu expressément l’homologation d’une convention établie par les parents non mariés ainsi que l’homologation des conventions de divorce par consentement mutuel.

 

Concernant les parents non mariés, le nouvel article 377 du Code civil prévoit que « les parents peuvent saisir le tribunal afin de faire homologuer la convention par laquelle ils organisent les modalités d’exercice de l’autorité parentale, fixent le domicile et la résidence de l’enfant, le droit de visite et d’hébergement ainsi que la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant ».

 

Pour se faire, les parents, assistés le cas échéant de leur avocat, devront déposer une requête conjointe en homologation de la convention. Le greffier convoquera les parties endéans un délai de 15 jours à compter du dépôt de la requête et l’audience pour l’homologation de la convention sera fixée dans un délai d’un mois. Le Parquet aura la possibilité d’assister également à cette audience et il pourra, le cas échéant, conclure oralement ou par des conclusions écrites antérieures à l’audience.

 

Une telle innovation aura l’avantage considérable d’obtenir une décision revêtant le caractère exécutoire et entrainant ainsi la possibilité d’une condamnation future éventuelle du parent qui n’exécute pas correctement les dispositions de la convention (par exemple par le biais de la procédure de saisie-arrêt diligentée par l’Huissier de Justice pour obtenir paiement d’une pension alimentaire).

 

En outre, pour les couples mariés, la convention de divorce sera également dorénavant homologuée par le Tribunal. Elle fera ainsi partie intégrante de la décision de divorce. Ceci facilitera la reconnaissance et l’exécution, tant à l’intérieur du pays qu’à l’étranger, non seulement de la décision ayant prononcé le divorce, mais également des mesures contenues dans la convention des parties telles qu’homologuée par le Tribunal et notamment celles concernant l’autorité parentale et le droit de visite et d’hébergement des enfants.

 

Ainsi, cette convention de divorce sera considérée comme « décision » au sens des textes internationaux ou européens, tel le règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) n° 1347/2000.

 

Or, avec la législation antérieure en matière de divorce par consentement mutuel, le Tribunal donnait simplement acte aux parties des éléments précisés dans leur convention de divorce. Ainsi, si une des parties ne devait pas respecter la convention, l’autre partie devait entamer une nouvelle procédure (par exemple devant la Justice de Paix pour obtenir un jugement de condamnation au paiement de la pension alimentaire), afin d’obtenir un titre exécutoire en la matière.

 

Il convient donc de saluer cette nouvelle disposition introduisant l’homologation par le Tribunal d’une convention que les parents ou conjoints ont arrêté ensemble, une telle possibilité représentant incontestablement un gage de sécurité pour les parties afin de pouvoir faire exécuter immédiatement leur convention en cas de non-respect de celle-ci.

 

 

 

La loi du 27 juin 2018 réformant le droit de la famille : l’instauration d’une procédure accélérée et simplifiée en matière de divorce pour rupture irrémédiable des relations conjugales

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REAL, Avocats à la Cour

 

 La loi du 27 juin 2018 instituant le juge aux affaires familiales, portant réforme du divorce et de l’autorité parentale, applicable à compter du 1er novembre 2018, a considérablement modifié les cas d’ouverture prévus pour divorcer.

 

Les cas d’ouvertures précédents relatifs au divorce pour faute (ancien article 229 du Code civil), divorce pour séparation de plus de trois ans (ancien article 230 du Code civil) et divorce pour séparation de plus de cinq ans en cas de maladie (ancien article 231 du Code civil) se retrouvent ainsi supprimés.

 

En effet, conformément au nouvel article 229 du Code civil, le divorce pourra être prononcé dans deux cas : soit par consentement mutuel, soit pour rupture irrémédiable des relations conjugales.

 

L’analyse du nouveau cas d’ouverture tel qu’institué par la loi du 27 juin 2018 a pour finalité d’instituer des avantages considérables dans le but de remédier aux lacunes qui avaient été relevées dans le cadre des procédures contentieuses, concernant à la fois la durée particulièrement longue de la procédure de divorce contentieuse ainsi que les dérives tenant à la difficulté voire l’impossibilité de divorcer en l’absence de preuve d’une faute ou de consentement des deux époux à divorcer (A).

 

A l’inverse, la réforme du divorce par consentement mutuel telle qu’opérée par la loi du            27 juin 2018 fait apparaître une perte d’efficacité en matière de rapidité pour mettre un terme au mariage des parties et semble revêtir désormais une certaine complexité procédurale (B).

 

A – Les mérites de la rupture irrémédiable des relations conjugales : célérité et simplification de la procédure de divorce

 

La réforme prévoit que le divorce pour rupture irrémédiable des relations conjugales peut être demandé, par l’intermédiaire d’un Avocat à la Cour, soit de manière unilatérale par l’un des conjoints, soit par les deux époux conjointement si un accord est trouvé quant au principe du divorce.

 

Suite au dépôt de la requête unilatérale ou conjointe, les parties sont ensuite convoquées par le greffe dans un délai de 15 jours à compter du dépôt de la requête, le délai de comparution étant de 8 jours. L’audience est ensuite fixée endéans un délai d’un mois à partir du jour de l’expiration du délai de comparution précité.

 

En cas d’accord sur le principe du divorce entre les parties, il importe de souligner que ces dernières peuvent se voir prononcer leur divorce dès la fixation de la première audience, et donc dans un délai considérablement rapide.

 

Dans l’optique où les parties ne seraient pas d’accord sur l’intégralité des conséquences du divorce ou sur d’éventuelles mesures accessoires, le Juge peut statuer à cet égard de manière séparée, plus tard, sans que le prononcé du divorce n’en soit affecté.

 

Un autre point non négligeable qui ressort de cette nouvelle cause de divorce est la possibilité désormais, au même titre que les lois portugaise et française, de pouvoir divorcer en l’absence de volonté réciproque en ce sens des époux et surtout sans la nécessité de devoir rapporter la preuve d’une faute dans le chef du conjoint absent ou qui ne consent pas à divorcer.

 

Si des avancées considérables peuvent être ainsi constatées quant à la procédure du divorce pour rupture irrémédiable de la vie commune, le même constat ne saurait être tiré en matière de divorce non-contentieux (B).

 

B – Le divorce par consentement mutuel réformé : vers une procédure complexifiée et ralentie ?

 

La nouvelle procédure de divorce par consentement mutuel implique de saisir le Tribunal par requête conjointe déposée au greffe, en y annexant la convention de divorce par consentement mutuel rédigée par un avocat ou par un notaire, les pièces légalement requises ainsi que l’établissement d’un inventaire des biens communs ou indivis soumis au partage.

 

Après le dépôt de la requête, le greffe convoquera également les parties dans un délai de  15 jours. Cependant, il échet de relever que le législateur a omis de mentionner de délai prévu pour la fixation de l’audience, de sorte que les parties ne sont aucunement assurées de bénéficier d’un délai bref pour la fixation de leur première audience devant le Juge aux affaires familiales.

 

Par ailleurs, une fois que le Juge aux affaires familiales aura convoqué personnellement les parties afin de voir confirmer leur volonté de divorcer, ce dernier va effectuer une analyse du contenu de la convention et rechercher si aucune clause n’est contraire à l’intérêt supérieur des enfants et si la convention ne porte pas une atteinte disproportionnée aux intérêts d’un des conjoints.

 

Si le Juge estime que la convention est de nature à porter atteinte à l’intérêt de l’enfant ou aux droits d’un des conjoints, les parties obtiendront un délai de six semaines pour modifier la ou les clauses et présenter une nouvelle convention. De nouveaux débats seront alors fixés à une audience ultérieure, au-delà de ce délai de six semaines.

 

Si aucune nouvelle convention n’est transmise dans le délai imparti, la demande en divorce par consentement mutuel sera déclarée caduque par jugement.

 

Le Juge pourra soit déclarer la convention modifiée adéquate et prononcer le divorce, soit juger la convention non adéquate et rendre ainsi une ordonnance de renvoi en formation collégiale, cette dernière composition ayant alors la possibilité d’homologuer la convention ou de rendre un jugement déboutant le prononcé du divorce.

 

* * *

Par conséquent, force est de constater que contrairement à l’institution de la nouvelle cause de divorce pour rupture irrémédiable de la vie commune, le législateur a fixé de nouvelles règles de procédure en matière de divorce par consentement mutuel qui tendent à complexifier le régime tel qu’il existait auparavant, avec le risque d’aboutir, in fine, à un divorce plus tardivement que s’il avait été demandé sur le fondement de la rupture irrémédiable des relations conjugales.

 

Le recul et les applications futures qui seront faites en pratique de cette réforme démontreront si de telles craintes en terme de lenteur et de complexité sont justifiées.

 

En tout état de cause, le recours au cas de divorce contentieux pour rupture irrémédiable de la vie commune ne peut qu’être favorablement accueilli par les deux conjoints qui demeurent d’accord sur le principe du divorce et qui sont désireux de voir prononcer leur divorce rapidement.

 

 

 

Un revirement du système actuel opéré par le projet de loi du 28 mars 2018 : le maintien de l’autorité parentale des parents en cas de placement judiciaire de leur enfant

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REAL, Avocats à la Cour

 

Au Grand-Duché de Luxembourg, chaque mineur a le droit à être représenté par un avocat pour enfant, dont le rôle est de défendre l’intérêt de l’enfant, que ce soit dans le cadre d’une procédure de divorce (référé-divorce ou divorce au fond), devant le Tribunal des Tutelles des mineurs ou en matière de protection de la Jeunesse.

 

Forte de son expérience en matière de représentation et d’assistance des mineurs à tous les stades de la procédure, l’Etude REAL, Avocats à la Cour, s’est penchée plus précisément sur le projet de loi du 28 mars 2018 instituant un régime de protection de la jeunesse et portant modification de la loi modifiée du 7 mars 1980 sur l’organisation judiciaire (ci-après le « Projet de loi ») afin d’étudier les avancées significatives prévues en la matière.

 

A ce titre, l’article 21 du Projet de loi a défini plus en détail la mission de l’avocat du mineur en faisant une distinction entre le mineur qui n’est pas capable de discernement et le mineur capable de discernement.

 

Ainsi, cet article prévoit que lorsque le mineur n’est pas capable de discernement, l’avocat devra veiller au respect des droits du mineur. Le paragraphe suivant stipule ensuite que lorsque le mineur est capable de discernement, l’avocat aura plutôt un rôle de porte-parole. Il aura pour mission d’écouter le mineur, le conseiller, lui expliquer les conséquences des décisions à prendre par le juge ou le tribunal de la jeunesse et être ensuite le passeur de la parole du mineur vers cette juridiction. Dans tous les cas, l’avocat devra continuer à veiller au respect des droits du mineur et agir dans l’intérêt supérieur du mineur.

 

Le Projet de loi a l’avantage de prévoir également une refonte complète de la loi actuelle du 10 août 1992 relative à la protection de la jeunesse.

 

A cet égard, il entend mettre l’accent, au même titre que la loi française, sur l’objectif premier qui est le maintien du mineur dans son milieu familial.

 

Plus précisément, l’article 12 du projet de loi comporte une modification importante en matière de protection de la jeunesse et a pour objet de réformer l’article 11 de la loi sur la protection de la jeunesse en visant particulièrement le problème de l’autorité parentale en cas de placement du mineur hors du domicile de ses parents.

 

Pour rappel, l’article 11 actuel stipule que :

 

« Si le mineur est placé hors du domicile de ses parents (…) ceux-ci conservent uniquement un droit de visite et de correspondance. Le tribunal ou le juge de la jeunesse en fixe les modalités et peut même, si l’intérêt de l’enfant l’exige, décider que l’exercice de ces droits ou de l’un d’eux sera suspendu.

Quant à la personne du mineur, tous les autres attributs de l’autorité parentale sont transférés à la personne ou à l’établissement à qui le mineur est confié, à l’exception du droit de consentir à l’adoption et au mariage du mineur ».

 

La Cour d’appel statuant en matière civile, a décidé, dans un arrêt du 18 février 2009 (n° rôle 34367), que le transfert de l’autorité parentale ne s’opère pas uniquement en cas de placement définitif mais également en cas de mesure de garde provisoire.

 

La question du bien-fondé ou non d’un transfert automatique de l’autorité parentale en cas de placement a fait l’objet de discussions ardues depuis des décennies.

 

Le transfert automatique de l’autorité parentale n’est pas à confondre avec une déchéance de l’autorité parentale. Les parents d’un enfant placé conservent le droit d’être informés et consultés pour toutes les décisions importantes relatives à leur enfant, même si la décision revient en définitive à la personne ou à l’institution accueillant l’enfant.

 

Cette situation n’opère cependant pas de différence entre les parents qui se désintéressent de leur enfant au point de ne plus avoir de contact avec celui-ci et les parents qui certes ne sont, au moment du placement, pas à même d’assurer la sécurité et le bien-être de leur enfant sans cependant se désintéresser de son sort.

 

Ainsi, ces parents ressentent souvent le transfert de l’autorité parentale comme une sanction à leur égard même si tel n’est pas l’objectif de cette disposition légale.

 

Lors de travaux précédents ayant donné lieu au projet de loi 5351, le groupe de travail interministériel « Protection de la Jeunesse » avait, dans son avis de juin 2002, analysé les avantages et les inconvénients du transfert automatique de l’autorité parentale. A l’époque, ce groupe de travail avait conclu au maintien du principe.

 

Le présent projet de loi a également été précédé de travaux importants et de discussions menées au sein d’un nouveau groupe de travail. Lors de ces discussions, il a été souligné que le transfert automatique de l’autorité parentale entraîne, chez certains parents, une forte démotivation à collaborer avec l’établissement voire un désengagement de la vie de leur enfant.

Ceci rend évidemment le travail pédagogique en vue d’une réintégration familiale plus difficile.

 

Dans un souci d’une responsabilisation accrue des parents, il a été décidé d’opérer un revirement complet du système actuel en établissant le principe du maintien de l’autorité parentale des parents en cas de placement judiciaire de leur enfant.

 

Or, un des attributs de l’autorité parentale, à savoir le droit de fixer le lieu de résidence de l’enfant, est manifestement incompatible avec une mesure de placement judiciaire, le lieu de résidence du mineur étant fixé judiciairement. Par conséquent, cet attribut de l’autorité parentale n’est plus exercé par les parents du mineur placé.

 

Ce revirement a ainsi pris en compte l’avis 04/2011 rendu par la Commission consultative des Droits de l’Homme du Grand-Duché de Luxembourg (ci-après « laCCDH »).

 

La CCDH avait, en effet, déjà pointé du doigt ce problème relatif au transfert des attributs de l’autorité parentale en matière de garde provisoire, estimant qu’il n’était pas exclu, dans un pareil cas, que les parents soient simplement déresponsabilisés et que toute décision concernant l’enfant soit ôtée de leurs mains.

 

La Commission a même estimé qu’il s’agissait là d’une atteinte à leur droit d’être parent et de s’occuper de leurs enfants, tel que prévu aux articles 8,9 et 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme. Elle avait ainsi relevé qu’il était tout à fait possible de démembrer l’autorité parentale et de ne transférer à l’institution qui recueille l’enfant que certains attributs, tel que notamment le droit de décider de la résidence des enfants.

 

Une telle modification a été prise en compte dans le cadre du projet de loi actuel.

Cependant, cette modification risque également de rendre l’organisation pratique de la vie du mineur placé plus compliquée pour l’établissement ou la personne qui accueille le mineur.   En effet, le maintien de l’autorité parentale au profit des parents nécessite un échange d’informations permanent et une collaboration active et de bonne foi de tous les intervenants.

 

Le projet de loi prévoit ainsi une exception au principe général du maintien de l’autorité parentale en stipulant que lorsqu’au cours du placement judiciaire, il s’avère que le maintien de l’autorité parentale au profit des parents n’est pas dans l’intérêt de l’enfant, le juge de la jeunesse peut décider de transférer l’autorité parentale à la personne ou à l’établissement qui accueille le mineur.

 

Cette décision doit cependant être précédée par une réunion à laquelle sont entendus ou du moins « dûment convoqué la personne ou l’établissement à qui le mineur est confié ainsi que les parents, tuteur ou gardiens du mineur ».

 

Sont notamment visées les situations où la collaboration n’est plus possible par exemple parce que les parents sont injoignables ou refusent de prendre des décisions ou de faire des démarches administratives ou médicales nécessaires et dans l’intérêt de l’enfant. Est également envisageable la situation où les parents prennent des décisions manifestement contraires à l’intérêt de leur enfant.

 

Dans l’optique où ce Projet de loi serait définitivement voté à l’avenir, il appartiendra ainsi à l’Avocat d’enfant, en tenant compte de l’intérêt supérieur du mineur, d’encourager le maintien de ce dernier dans son milieu familial, ou au contraire et dans des circonstances exceptionnelles, de veiller à ce qu’un transfert de l’autorité parentale se fasse au bénéfice de l’établissement d’accueil.

 

 

 

Illustration actuelle jurisprudentielle en matière d’annulation d’une clause de non-concurrence dans le domaine des franchises : La protection de l’agent commercial dans le cadre du libre exercice de son activité

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REAL, Avocats à la Cour

 

Dans le cadre d’une affaire traitée par l’Etude REAL, Avocats à la Cour, la Cour d’appel de et à Luxembourg a rendu, par arrêt en date du 3 mai 2018, une jurisprudence décisive dans le domaine des clauses de non-concurrence, de nature à protéger l’agent commercial concernant le libre exercice de son activité.

 

a) Le régime des clauses de non-concurrence en droit luxembourgeois

 

La clause de non-concurrence est une stipulation contractuelle qui a pour objet d’interdire à une partie de faire concurrence à une autre partie en exerçant une activité professionnelle similaire pendant la durée ou après l’expiration des relations contractuelles.

 

Restreignant la faculté, pour le débiteur de l’obligation d’abstention, d’exercer librement une activité, elle porte atteinte à des libertés fondamentales, la liberté d’entreprendre et la liberté du travail.

 

Il est admis que pour être valable, une clause de non-concurrence doit être limitée soit dans le temps, soit dans l’espace (ou les deux), elle doit être destinée à protéger les intérêts légitimes du bénéficiaire de la clause, elle ne doit pas placer la personne tenue à l’obligation dans une situation ne lui permettant plus d’exercer normalement sa profession et elle doit être proportionnelle (Encyclopédie Dalloz, Répertoire de droit commercial, Concurrence, n°100 et ss.).

 

L’exigence de proportionnalité, qui s’apprécie par rapport à l’objet du contrat, met en balance l’intérêt légitime du créancier de la clause de non-concurrence, exposé aux risques concurrentiels que représente le débiteur, et l’atteinte apportée au libre exercice de l’activité professionnelle du débiteur, la nature et la durée des relations entre les parties étant appréciées à ce titre.

 

En matière de franchise, la validité des clauses de non-concurrence a été admise dans la mesure où elles sont indispensables pour protéger le savoir-faire transmis et l’assistance apportée par le franchiseur et qu’elles sont propres à préserver l’identité et la réputation du réseau. Le créancier peut avoir un intérêt légitime à protéger son savoir-faire ou des informations confidentielles, à se protéger contre un risque de détournement de sa clientèle ou, dans le cas particulier de la franchise, à protéger l’identité commune et la réputation du réseau.

 

En l’absence de dispositions particulières prévues par notre législation, les juridictions luxembourgeoises se réfèrent aux dispositions françaises en matière de clauses de  non-concurrence dans le domaine des franchises, la législation française récente (loi du 6 août 2015, dite loi « Macron »), prenant soin de préciser que la clause doit être indispensable à la protection « d’un savoir-faire substantiel, spécifique et secret transmis dans le cadre du contrat ». Il importe que le savoir-faire ait une certaine consistance (Jurisclasseur Concurrence-Consommation, fascicule 111 : clause de non-concurrence – validité, n° 49).

 

b) Aperçu de l’évolution jurisprudentielle et de la position actuelle de la Cour d’appel de et à Luxembourg

 

La jurisprudence a pu considérer que les clauses de non-concurrence « peuvent être considérées comme inhérentes à la franchise dans la mesure où elles permettent d’assurer la protection du savoir-faire transmis qui ne doit profiter qu’aux membres du réseau et de laisser au franchiseur le temps de réinstaller un franchisé dans la zone d’exclusivité ; que ces clauses doivent cependant rester proportionnées à l’objectif qu’elles poursuivent » (Cons. Conc., déc. N° 97-D-48, 18 juin 1997).

 

Encore faut-il ainsi que la clause de non-concurrence n’ait pas pour effet d’empêcher l’agent d’exercer toute activité professionnelle (Cass. Com. 4 juin 2002, Bull. civ. IV, n° 98, JCP 2003, II. 10164).

 

A cet égard, la jurisprudence française avait d’ores et déjà pu considérer comme non-valide une clause de non-concurrence empêchant un agent commercial, en cas de rupture de son contrat, d’exercer toute activité professionnelle, « dès lors qu’elle a une formation et une expérience professionnelle de déléguée médicale, et que lui sont interdites pendant deux ans toutes activités, salariées ou non, dans le domaine de la fabrication et de la commercialisation de produits diététiques sur la France entière »(Cour d’appel de Rennes, 15 février 2011).

 

Dans le cadre de l’affaire traitée par l’Etude REAL, Avocats à la Cour, force est de constater que la jurisprudence luxembourgeoise s’est alignée sur la jurisprudence française en annulant une clause de non-concurrence dans le cadre d’un contrat de conseiller commercial sur ce fondement.

 

En effet, dans le cas particulier de cet arrêt rendu en date du 3 mai 2018 (CSJ, arrêt n° 90/18 – II – CIV), la deuxième chambre de la Cour d’appel, siégeant en matière civile, a pu relever que la clause de non-concurrence, en interdisant au conseiller commercial pendant une durée de douze mois l’exercice de toute activité d’agent immobilier, directement ou indirectement, pour son propre compte ou par personne physique ou morale interposée, avait pour conséquence de priver le débiteur de la clause de non-concurrence de la possibilité d’exercer normalement son activité professionnelle et constituait ainsi une restriction excessive et injustifiée de sa liberté de travail.

 

Dans cet arrêt, la Cour avait aussi pu constater que le risque concurrentiel était minimal au vu de la position forte du franchisé par rapport à la situation du conseiller commercial sur le marché luxembourgeois et au vu de la durée très limitée pendant laquelle ce dernier avait travaillé auprès de la société (en l’occurrence moins de trois mois).

 

Elle avait également relevé qu’il ne résultait d’aucun élément de la cause qu’un savoir-faire spécifique et substantiel avait été transmis par la société au conseiller commercial en ce qui concerne l’exercice de l’activité d’agent immobilier.

 

Au regard de ces éléments, c’est en tenant compte de la disparité entre l’atteinte portée au principe fondamental de la liberté d’exercice d’une activité professionnelle, d’une part, et les intérêts légitimes qu’elle protège, d’autre part, que la Cour d’appel a jugé que la clause, en l’espèce, apparaissait disproportionnée et devait être annulée.

 

Conclusion :

L’analyse de cet arrêt rendu par la Cour d’appel de et à Luxembourg en date du 3 mai 2018 (CSJ, arrêt n° 90/18 – II – CIV) a permis de souligner l’importance du rôle et de l’intervention nécessaire du juge en matière de lutte contre les clauses abusives afin de corriger les excès que le principe de la force obligatoire des contrats peut engendrer, dans un but de protection des parties faibles à la relation contractuelle.

 

 

 

Projet de loi portant réforme de l’exécution des peines pénales: Le système judiciaire luxembourgeois pénal se dotera-il finalement d’un magistrat dédié spécifiquement à l’application des peines ?

ARTICLE

REAL, Avocats à la Cour

Lorsque le Tribunal d’arrondissement ou la Cour d’appel prononcent une peine pénale à l’égard d’une personne, cette peine doit par la suite être exécutée et mise en application par le Parquet. En effet, l’exécution des peines est une expression générique désignant la mise à exécution des sentences pénales, l’application des peines et le post-sentenciel.

L’application de la peine pénale désigne plus précisément la dernière phase du procès et donne véritablement un sens à l’activité judiciaire réalisée précédemment. En effet, quel sens donner à une peine non appliquée ou exécutée ?

Au Luxembourg, un projet de loi n° 7041 portant réforme de l’exécution des peines a été déposé le 31 août 2016 avec pour objectif de réformer et moderniser le système de l’exécution des peines. A cet égard, dans le cadre d’une conférence de presse en date du 22 septembre 2016, le ministre de la Justice, Félix Braz, a présenté les grandes lignes de cette réforme, à savoir notamment l’innovation majeure de l’introduction d’une chambre de l’application des peines compétente pour statuer sur les recours introduits par des personnes condamnées contre des décisions prises par le procureur général d’Etat et son délégué en matière d’exécution des peines.

Si cette réforme, longuement attendue dans le domaine crucial de l’exécution des peines, mérite d’être accueillie, force est de constater que certains points demeurent cependant encore sujets à amélioration, en comparaison avec nos voisins européens, notamment la France, qui, elle, est dotée d’une véritable juridiction en matière d’application des peines.

En particulier, tel que l’ont relevé la Commission Consultative des Droits de l’Homme (ci-après la « CCDH ») du Grand-Duché de Luxembourg dans son avis 02/2017 et l’Association Luxembourgeoise des Avocats Pénalistes dans son avis en date du 13 octobre 2017, la réforme ne prend pas en compte la critique principale adressée au système actuel de l’exécution des peines luxembourgeois concernant le fait que les décisions relatives aux modalités d’aménagement des peines, tant privatives que non privatives de liberté, soient prises par le Parquet qui a initié les poursuites contre la personne qui subi sa peine, et non pas par un organe juridictionnel.

La Cour Européenne des Droits de l’Homme a, en effet, eu l’occasion de juger qu’un membre du Ministère Public ne peut pas être qualifié de juge ou de magistrat habilité à exercer des fonctions judiciaires (arrêt Medvedyev c/ France du 29 mars 2010 et arrêt Moulin c/ France du 15 décembre 2010).

Dans cette optique, il semblerait que la meilleure solution pour que le système actuel soit conforme à de telles exigences, serait de confier l’exécution des peines à un juge de l’application des peines, dont les décisions pourraient être appelées devant la Cour d’appel.

Une telle solution permettrait également de résoudre le problème, soulevé par la CCDH, relatif au fait que la réforme actuelle envisage d’ouvrir un recours devant le Cour d’appel contre des décisions prises par le Parquet général ou le directeur de l’administration pénitentiaire, qui ne sont pas à considérer comme étant des décisions juridictionnelles.

A cet égard, il convient de souligner l’inflation législative dont a fait l’objet le modèle français, permettant d’aboutir à une véritable juridictionnalisation de l’application des peines.

En effet, la France est dotée d’un magistrat dédié spécifiquement à cette matière : le juge d’application des peines, dont le rôle est de fixer les modalités des peines privatives et restrictives de liberté en orientant et en contrôlant les modalités d’exécution et d’application des peines dans un but premier de réinsertion des personnes condamnées. Par ailleurs, les jugements rendus par le juge d’application des peines ou le tribunal d’application des peines (composé de trois juges d’application des peines) peuvent faire l’objet d’un appel devant la Chambre de l’application des peines et cette dernière rend des arrêts susceptibles de faire l’objet d’un pourvoi en cassation.

A la différence du modèle français, le projet de réforme lui ne garantirait pas le principe du double degré de juridiction, tel que posé à l’article 5§4 de la Convention européenne des Droits de l’Homme.

L’instauration d’un magistrat qui serait lui seul compétent pour l’application et l’exécution des peines pénales permettrait ainsi au Luxembourg de se conformer finalement à l’avis de la Cour Européenne des Droits de l’homme, donnant lieu à une meilleure séparation des pouvoirs entre le Parquet et la magistrature.

Ainsi si le projet de loi n° 7041, combiné à celui portant réforme de l’administration pénitentiaire (n° 7042), représente indéniablement un progrès de première importance dans le domaine crucial de l’exécution des peines en faisant de la réinsertion du condamné dans la société un objectif principal, force est de constater qu’il ne reflète cependant qu’une avancée timide vers l’instauration d’une véritable juridictionnalisation de l’application des peines.

 

 

 

 

 

 

La grande distribution et la guerre des prix : La publicité comparative des prix entre entreprises de tailles et formats différents est elle licite ?

ARTICLE

REAL, Avocats à la Cour

Le 8 février 2017, la deuxième chambre de la Cour de Justice de l’Union Européenne a rendu un arrêt suite à une demande de décision préjudicielle de la Cour d’appel de Paris dans une affaire opposant les entreprises « Carrefour Hypermarché SAS » et « ITM Alimentaire International SASU ».

Dans cette affaire, au cours du mois de décembre 2012, la société Carrefour a lancé une campagne publicitaire télévisée de grande ampleur intitulée « garantie prix le plus bas Carrefour » comparant les prix de 500 produits de grandes marques pratiqués dans des magasins à l’enseigne Carrefour et dans des magasins d’enseignes concurrentes, parmi lesquels figuraient les magasins Intermarché et offrant au consommateur de lui rembourser deux fois la différence de prix s’il trouvait moins chers ailleurs.

À partir du deuxième spot télévisé, les magasins Intermarché sélectionnés pour la comparaison étaient tous des supermarchés et les magasins Carrefour étaient tous des hypermarchés, de taille largement supérieure.

A ce titre, il importe de préciser que cette information ne figurait que sur la page d’accueil du site internet de Carrefour avec la mention en petits caractères que la garantie était valable uniquement dans les magasins Carrefour et Carrefour Planet et qu’elle n’était donc pas valable dans les plus petits magasins de la marque.

Entre autre, dans les spots publicitaires, apparaissait, en dessous du nom Intermarché, en caractères plus petits, la mention « super » afin de préciser que la comparaison ne prenait en compte que les prix pratiqués dans les magasins de plus petites tailles de la marque.

On peut dès lors se demander si une comparaison dans une publicité entre les prix pratiqués dans des magasins de tailles et de formats différents, lorsque ces magasins font partie d’enseignes possédant chacune une gamme de magasins d’envergure distincte et que l’annonceur compare les prix pratiqués dans les magasins de taille supérieure de son enseigne avec ceux relevés dans des magasins de format inférieur, ne constitue pas une concurrence déloyale entre ces deux commerçants.

A ce titre, il s’agit de savoir si une comparaison des prix de produits sélectionnés n’est licite que si ces produits étaient vendus dans des magasins de taille ou de format identique.

La Cour de Justice de l’Union Européenne a par conséquent dû déterminer si cette pratique contrevenait à l’article 4 de la directive 2006/114/CE qui détaille les conditions dans lesquelles la publicité comparative est licite.

En effet, ledit article 4 qui a été transposé au Grand-Duché du Luxembourg par l’article 18 de la loi du 30 juillet 2002 réglementant certaines pratiques commerciales, indique que la publicité comparative est uniquement licite si les conditions cumulatives suivantes sont remplies :

  • La publicité n’est pas trompeuse
  • Elle compare des biens ou services répondant aux même besoins ou ayant le même objectif
  • Elle compare objectivement, une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens et services, dont le prix peut faire partie
  • Elle n’engendre pas de confusion sur le marché entre l’annonceur et un concurrent ou entre les marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens ou services de l’annonceur et ceux d’un concurrent
  • Elle n’entraîne pas le discrédit ou le dénigrement des marques, noms commerciaux, autres signes distinctifs, biens, services, activités ou situation d’un concurrent
  • Pour les produits ayant une appellation d’origine, elle se rapporte dans chaque cas à des produits ayant la même appellation
  • Elle ne tire pas indûment profit de la notoriété attachée à une marque, à un nom commercial ou à d’autres signes distinctifs d’un concurrent ou de l’appellation d’origine de produits concurrents
  • Elle ne présente pas un bien ou un service comme une imitation ou une reproduction d’un bien ou d’un service portant une marque ou un nom commercial protégé.

La Cour de Justice de l’Union Européenne a alors rappelé que selon la jurisprudence constante « la publicité comparative contribuait à mettre en évidence de manière objective les avantages des différents produits comparables et ainsi stimuler la concurrence entre les fournisseurs de biens et de services dans l’intérêt des consommateurs, les conditions exigées d’une telle publicité doivent être interprétées dans le sens le plus favorable à celle-ci, tout en s’assurant que la publicité comparative ne soit pas utilisée de manière anticoncurrentielle et déloyale ou de manière à porter atteinte aux intérêts des consommateurs ».

Dans le cas présent, la Cour a déterminé que, dans certaines circonstances, la différence de taille ou de format des magasins dans lesquels ont été relevés les prix comparés par l’annonceur peut fausser l’objectivité de la comparaison.

En effet, il est avéré de dire que les prix des produits de consommation courante sont susceptibles de varier en fonction du format ou de la taille du magasin ainsi que de la situation géographique de celui-ci.

A titre d’exemple, les prix dans un petit magasin de quartier à Paris seront bien entendu plus élevés que les prix pratiqués dans une grande surface à la périphérie de n’importe quelle grande ville.

Cette publicité est dès lors susceptible d’avoir une influence sur le comportement économique du consommateur en amenant celui-ci à prendre une décision dans la croyance erronée qu’il bénéficiera des écarts de prix vantés dans la publicité en achetant les produits concernés dans tous les magasins de l’enseigne de l’annonceur plutôt que dans des magasins des enseignes concurrentes.

En revanche, une telle publicité n’est pas susceptible d’être trompeuse si le consommateur a été informé du fait que les prix comparés concernent des produits vendus dans des magasins de tailles et de formats différents.

La Cour de Justice de l’Union Européenne rappelle ici qu’en application de la directive sur les pratiques commerciales déloyales, cette information doit être fournie de manière claire, précise et intelligible.

On peut par conséquent conclure qu’une publicité comparant les prix vendus dans des magasins de format ou de taille différents n’est pas en soit illicite mais est susceptible de l’être si elle ne répond pas au caractère de comparaison objective ou est trompeuse.

Au regard de ces éléments, la Cour de Justice de l’Union Européenne conclut dans cette affaire que cette publicité ne répond certainement pas aux critères d’objectivité de la comparaison et qu’elle s’avèrerait trompeuse.

Il appartiendra dès lors à la Cour d’appel de Paris d’apprécier le caractère licite ou non des spots publicitaires télévisés de Carrefour en considération de la position de la Cour de Justice de l’Union Européenne prise dans cet arrêt.

L’issue de cette guerre des prix reste par conséquent en suspens jusqu’à une décision définitive de la Cour d’appel de Paris et les retombées de cette décision seront probablement suivies de très près par les géants de la grande distribution.

 

Projet de loi 6996 : L’autorité parentale au Luxembourg enfin égalitaire entre pères et mères ?

ARTICLE

REAL, Avocats à la Cour

Le 27 mai 2016, le gouvernement luxembourgeois a déposé un nouveau projet de loi réformant la plupart du droit de la famille luxembourgeois et proposant enfin une égalité entre pères et mères quant à l’autorité parentale sur leurs enfants.

A cet égard, l’autorité parentale peut être définie comme l’ensemble des décisions qui doivent être prises par un père et une mère sur la personne et sur les biens de leur enfant mineur en vue de sauvegarder des intérêts de celui-ci. Ces décisions comprennent par exemple, les décisions scolaires ou médicales.

A l’heure actuelle, la situation est différente pour les parents mariés et les parents non mariés. En effet, pendant le mariage, l’autorité parentale est exercée conjointement par les parents et, en cas de divorce, l’article 378 du Code civil dispose que l’autorité parentale est exercée par celui qui a obtenu la garde de l’enfant.

Le parent qui n’obtient pas la garde de son enfant se voit privé dès lors de la possibilité de prendre des décisions primordiales et essentielles dans la vie de celui-ci.  A ce titre, la Cour constitutionnelle avait critiqué la prédite disposition légale et déclaré celle-ci inconstitutionnelle « dans la mesure où les législateurs n’autorisent pas l’exercice conjoint par les deux parents divorcés de l’autorité parentale sur les enfants communs » (Mém. A197 du 22/12/2008 p.2617).

Le régime juridique actuel est encore plus inégal et discriminatoire pour les parents non mariés alors que la loi précise que l’autorité parentale sur l’enfant dont les parents ne sont pas mariés est exercée par celui des père et mère qui l’a volontairement reconnu, s’il n’a été reconnu que par l’un d’eux.

Dans la situation où le père et la mère l’ont reconnu, le Code civil luxembourgeois dans son article 380 prévoit que l’autorité parentale est exercée par la mère.

La Cour constitutionnelle dans son jugement en date du 26 mars 1999 a également déclaré que cette disposition du Code civil était inconstitutionnelle, étant contraire à l’égalité des citoyens devant la loi.

Il convient dès lors de remarquer que le régime juridique actuellement mis en place est non seulement discriminatoire entre les parents mariés et non mariés mais également entre les pères et les mères dans cette deuxième hypothèse.

Ce régime juridique ayant été contesté pendant de nombreuses années par les professionnels du droit ainsi que par les parents, le législateur entend réformer celui-ci par son projet de loi n°6996.

En effet, le prédit projet de loi sous avis propose une réforme en profondeur des dispositions légales relatives à l’autorité parentale. Tenant compte du fait que des nouvelles formes d’union autres que le mariage existent désormais dans le système juridique luxembourgeois, le texte du projet de loi sous avis aspire à mettre sur un pied d’égalité tous les parents, peu importe leur statut matrimonial.

Le concept de la coparentalité, qui doit se prolonger au-delà de la rupture du couple, constitue un vecteur de la réforme de l’autorité parentale. Le projet de loi sous avis instaure dès lors le principe selon lequel les parents, mariés ou non, exercent ensemble l’autorité parentale et ce dans l’intérêt de leur enfant.

L’autorité parentale sera alors définie en relation avec l’intérêt de l’enfant qui sera le seul critère de tout aménagement de cette autorité et le projet préconise que l’enfant dont les parents sont séparés doit continuer à avoir des liens directs avec chacun des parents.

En outre, l’article 372-1 du projet de loi énonce le principe selon lequel l’accord de chacun des parents sera nécessaire pour tous les actes qui relèvent de l’autorité parentale lorsqu’ils exercent ensemble l’autorité parentale. Cet accord est requis tant pour les actes usuels que pour les actes non-usuels à la différence que, pour les actes usuels, l’accord est présumé.

Cet alinéa met fin à l’inégalité de traitement entre les parents d’un enfant né hors mariage qui a subsisté en droit luxembourgeois malgré l’arrêt de la Cour constitutionnelle n° 7/98 du 26 mars 1999.

Néanmoins, en cas de désacord, le texte prévoit que les parents pourront conclure une convention portant sur l’exercice de l’autorité parentale qui devra être homologuée par le juge aux affaires familiales qui pourra également être saisi par un des parents lorsque ceux-ci n’arrivent pas à s’accorder sur les modalités d’exécution de l’autorité parentale.

Ce projet de loi devrait également réformer les juridictions actuelles en instaurant un juge unique aux affaires familiales et réformant dès lors le contentieux du divorce ainsi que celui des pensions alimentaires.

Le Luxembourg devrait enfin voir ce projet de loi prendre effet dans le courant de l’année 2018, après de longues années de discussion sur celui-ci.