Projet de loi 6996 : L’autorité parentale au Luxembourg enfin égalitaire entre pères et mères ?

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REAL, Avocats à la Cour

Le 27 mai 2016, le gouvernement luxembourgeois a déposé un nouveau projet de loi réformant la plupart du droit de la famille luxembourgeois et proposant enfin une égalité entre pères et mères quant à l’autorité parentale sur leurs enfants.

A cet égard, l’autorité parentale peut être définie comme l’ensemble des décisions qui doivent être prises par un père et une mère sur la personne et sur les biens de leur enfant mineur en vue de sauvegarder des intérêts de celui-ci. Ces décisions comprennent par exemple, les décisions scolaires ou médicales.

A l’heure actuelle, la situation est différente pour les parents mariés et les parents non mariés. En effet, pendant le mariage, l’autorité parentale est exercée conjointement par les parents et, en cas de divorce, l’article 378 du Code civil dispose que l’autorité parentale est exercée par celui qui a obtenu la garde de l’enfant.

Le parent qui n’obtient pas la garde de son enfant se voit privé dès lors de la possibilité de prendre des décisions primordiales et essentielles dans la vie de celui-ci.  A ce titre, la Cour constitutionnelle avait critiqué la prédite disposition légale et déclaré celle-ci inconstitutionnelle « dans la mesure où les législateurs n’autorisent pas l’exercice conjoint par les deux parents divorcés de l’autorité parentale sur les enfants communs » (Mém. A197 du 22/12/2008 p.2617).

Le régime juridique actuel est encore plus inégal et discriminatoire pour les parents non mariés alors que la loi précise que l’autorité parentale sur l’enfant dont les parents ne sont pas mariés est exercée par celui des père et mère qui l’a volontairement reconnu, s’il n’a été reconnu que par l’un d’eux.

Dans la situation où le père et la mère l’ont reconnu, le Code civil luxembourgeois dans son article 380 prévoit que l’autorité parentale est exercée par la mère.

La Cour constitutionnelle dans son jugement en date du 26 mars 1999 a également déclaré que cette disposition du Code civil était inconstitutionnelle, étant contraire à l’égalité des citoyens devant la loi.

Il convient dès lors de remarquer que le régime juridique actuellement mis en place est non seulement discriminatoire entre les parents mariés et non mariés mais également entre les pères et les mères dans cette deuxième hypothèse.

Ce régime juridique ayant été contesté pendant de nombreuses années par les professionnels du droit ainsi que par les parents, le législateur entend réformer celui-ci par son projet de loi n°6996.

En effet, le prédit projet de loi sous avis propose une réforme en profondeur des dispositions légales relatives à l’autorité parentale. Tenant compte du fait que des nouvelles formes d’union autres que le mariage existent désormais dans le système juridique luxembourgeois, le texte du projet de loi sous avis aspire à mettre sur un pied d’égalité tous les parents, peu importe leur statut matrimonial.

Le concept de la coparentalité, qui doit se prolonger au-delà de la rupture du couple, constitue un vecteur de la réforme de l’autorité parentale. Le projet de loi sous avis instaure dès lors le principe selon lequel les parents, mariés ou non, exercent ensemble l’autorité parentale et ce dans l’intérêt de leur enfant.

L’autorité parentale sera alors définie en relation avec l’intérêt de l’enfant qui sera le seul critère de tout aménagement de cette autorité et le projet préconise que l’enfant dont les parents sont séparés doit continuer à avoir des liens directs avec chacun des parents.

En outre, l’article 372-1 du projet de loi énonce le principe selon lequel l’accord de chacun des parents sera nécessaire pour tous les actes qui relèvent de l’autorité parentale lorsqu’ils exercent ensemble l’autorité parentale. Cet accord est requis tant pour les actes usuels que pour les actes non-usuels à la différence que, pour les actes usuels, l’accord est présumé.

Cet alinéa met fin à l’inégalité de traitement entre les parents d’un enfant né hors mariage qui a subsisté en droit luxembourgeois malgré l’arrêt de la Cour constitutionnelle n° 7/98 du 26 mars 1999.

Néanmoins, en cas de désacord, le texte prévoit que les parents pourront conclure une convention portant sur l’exercice de l’autorité parentale qui devra être homologuée par le juge aux affaires familiales qui pourra également être saisi par un des parents lorsque ceux-ci n’arrivent pas à s’accorder sur les modalités d’exécution de l’autorité parentale.

Ce projet de loi devrait également réformer les juridictions actuelles en instaurant un juge unique aux affaires familiales et réformant dès lors le contentieux du divorce ainsi que celui des pensions alimentaires.

Le Luxembourg devrait enfin voir ce projet de loi prendre effet dans le courant de l’année 2018, après de longues années de discussion sur celui-ci.