LES DROITS DE VISITE ET D’HÉBERGEMENT : QU’EN EST-IL DES DROITS DES PARENTS ET DES DROITS DE L’ENFANT EN TEMPS DE CONFINEMENT ?

Suite à la déclaration de l’état de crise en date du 15 mars 2020, un grand doute s’est installé quant aux modalités d’exercice des droits de visite et d’hébergement pour les parents séparés. En effet, en date du 20 mars 2020, l’avis consultatif du Juge aux Affaires Familiales du Tribunal d’Arrondissement de et à Luxembourg avait instruit les parents de strictement limiter les déplacements des enfants. Dans les foyers où les parents de l’enfant vivent dans des résidences séparées, cela a alors engendré des situations conflictuelles en ce que certains parents ont refusé d’accueillir ou de remettre l’enfant à l’autre parent, allant ainsi à l’encontre de toute décision juridique précédant l’état de crise.  

7 mai 2020 

En date du 2 avril 2020, le Président de la Chambre des Députés Monsieur Fernand ETGEN accusa réception d’une question parlementaire urgente à Madame la Ministre de la Justice Sam TANSON au sujet des modalités d’exercice des droits de visite et d’hébergement en temps de confinement et plus précisément, au sujet de l’avis consultatif émis par le Juge aux Affaires Familiales en date du 20 mars 2020. 

L’avis consultatif du 20 mars 2020 

Il convient de rappeler qu’au Luxembourg, le principe est que l’autorité́ parentale est conjointe, c’est-à-dire qu’elle s’exerce en commun. Les parents de l’enfant ont les mêmes droits et obligations envers la personne et les biens de leur enfant, et ce, qu’ils vivent ensemble ou soient séparés ou divorcés. En cas de séparation ou de divorce, la résidence habituelle de l’enfant peut alors être fixée auprès d’un des deux parents, l’autre parent obtenant alors un droit de visite et d’hébergement. 

Alors même que l’exercice de l’autorité parentale n’est à ce jour aucunement impacté par la déclaration de l’état de crise, de grands doutes persistaient en relation avec les droits de visite et d’hébergement exercés par des parents disposant de résidences séparées. 

Ces doutes auraient été clarifiés en date du 20 mars 2020. En effet, les instructions reçues par le Juge aux Affaires Familiales indiquaient qu’il est demandé aux parents vivant de manière séparée ayant un ou plusieurs enfants communs dont la garde ou la résidence est partagée, de strictement limiter les déplacements des enfants. 

Ainsi, le Juge aux Affaires Familiale avait jugé qu’il n’est pas judicieux de maintenir les droits de visites répétitifs convenus ou judiciairement décidés. L’avis consultatif indiquait, de plus, que dans le cas où les parents ne trouveraient pas de solution qui leurs convienne, l’enfant se devait alors de séjourner avec le parent auprès duquel se trouve la résidence habituelle. L’autre parent sera alors « dédommagé » une fois qu’un retour à la normalité sera possible.

La question parlementaire du 2 avril 2020

C’est suite à une lettre reçue de l’association « Fathers Against Discrimination », qui se traduit « Pères unis contre la discrimination » (ci-après « FAD »), en date du 1er avril 2020, que les députés Monsieur Roy REDING et Monsieur Fernand KARTHEISER ont transmis au Président de la Chambre des députés une question parlementaire remettant en question l’avis consultatif du Juge aux Affaires Familiales du 20 mars 2020. 

L’association FAD s’engage pour des droits parentaux égaux après une séparation en soulignant qu’un enfant ne devrait jamais être privé de son droit humain naturel à la vie familiale et de l’égalité d’accès à ses deux parents. 

Ainsi, puisque l’avis consultatif était susceptible d’avoir un impact disproportionné sur les droits des parents auprès desquels ne se situe pas la résidence habituelle, ou encore sur les droits des enfants eux-mêmes, la lettre de l’association FAD s’est vue accordée une grande attention et a donné lieu à la question parlementaire formulée en date du 2 avril 2020. 

Dans un premier temps, la question parlementaire formulée demandait à Madame la Ministre de la Justice de confirmer l’existence d’un avis consultatif. 

Dans un deuxième temps, il s’agissait de demander à Madame la Ministre de la Justice d’évaluer la valeur procédurale de cet avis, notamment en relation avec le respect de décisions juridiques précédant l’état de crise, avec les droits de l’enfant et des parents, ainsi qu’avec l’article 1 du règlement grand-ducal du 20 mars 2020 qui autorisait le déplacement pour l’exercice des droits de visite et d’hébergement. 

Finalement, la question demandait de manière générale ce que le gouvernement luxembourgeois actuel entendait entreprendre afin d’assurer le respect des droits de visite et d’hébergement, même en temps de confinement.  

Prise de position de Madame la Ministre Sam TANSON

Alors qu’il serait envisageable de considérer que l’avis du 20 mars 2020 irait à l’encontre des directives gouvernementales, tel que le suggérait l’association FAD, la réponse de Madame la Ministre de la Justice s’est limitée à des références juridiques en cas de différend entre parents séparés. 

La Ministre a ainsi confirmé l’existence de cet avis, mais ne s’est pas prononcée sur la démarche du Juge aux Affaires Familiales en invoquant l’indépendance de la Justice. 

Dans sa réponse aux honorables députés REDING et KARTHEISER, Madame la Ministre de la Justice a confirmé que le règlement grand-ducal du 18 mars 2020, tel que modifié par le règlement grand-ducal du 20 mars 2020, maintient que tout déplacement nécessaire à l’exercice du droit de visite et d’hébergement ainsi qu’à l’exercice des résidences alternées, tels que fixés suivant accord entre les parties ou par décision de justice est permis. 

De plus, Madame la Ministre a indiqué qu’une procédure de référé spécifique a été instaurée afin de régler les situations d’urgences liées à la pandémie du COVID-19. Cette procédure est codifiée à l’article 4 du règlement grand-ducal du 17 avril 2020 relatif à la tenue d’audiences publiques pendant l’état de crise devant les juridictions dans les affaires soumises à la procédure écrite et portant adaptation temporaire de la procédure de référé exceptionnel devant le Juge aux Affaires Familiales. Ainsi, si des désaccords entre parents quant à l’exercice du droit de visite et d’hébergement remplissent les critères de l’article 4 du règlement grand-ducal du 17 avril 2020, ces différends pourront être tranchés rapidement à travers la procédure de référé exceptionnel.

Plus précisément, conformément à l’article 4 précité, pendant l’état de crise et par dérogation à l’article 1007-11, paragraphe 1er du Nouveau Code de procédure civile, la requête en référé exceptionnel en obtention des mesures provisoires visée à l’article 1007-11 pourra être introduite en l’absence de saisine du Juge aux Affaires Familiales par une requête au fond, et ceci par le biais de la voie électronique. Les mesures ordonnées par le Juge aux Affaires Familiale en ce sens prendront fin de plein droit deux mois après la fin de l’état de crise, sans préjudice de l’article 1007-11, paragraphe 6, du Nouveau Code de procédure civile.

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Les questions parlementaires tenant à l’impact de l’avis consultatif sur les droits des parents et des enfants resteront ainsi sans réponse, mais les mesures gouvernementales nécessaires sont mises en place afin d’assurer un respect complet des droits de visite et d’hébergement.