MONTEE DES CAS DE VIOLENCES CONJUGALES ET DES DEMANDES EN DIVORCE EN PERIODE DE CONFINEMENT AU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG ?

Un certain nombre de personnes (femmes et hommes), souffrent dans leurs couples ou leurs familles de tensions telles que la cohabitation devient difficile et qu’une évolution vers des passages à l’acte physique est à redouter.

Nécessaire pour la santé publique, le confinement apparaît-il comme un facteur de tensions au sein du couple, de nature à entrainer un accroissement des violences conjugales et plus largement des demandes en divorce ?

4 mai 2020

Quelques chiffres :

Selon les données de la STATEC, si de 2016 à 2018 le taux de divorce est resté stable autour de 63 % au Luxembourg, il est passé, en 2019, à un chiffre important de 98%, de sorte que sur 10 mariages célébrés en une année, il y a l’équivalent de 10 divorces prononcés la même année. 

Les organisations d’aide aux victimes ont à ce titre récemment pu constater que les cas de violence domestique avaient tendance à augmenter dans des situations telles que la crise sanitaire, de sorte qu’on peut s’inquiéter d’une hausse corrélative des mesures d’expulsion ainsi que d’une montée des conflits conjugaux favorisant la dissolution du mariage.

Constatations pratiques :

Durant la période de confinement, l’Étude Real Avocats à la Cour a effectivement pu constater une relative hausse des violences conjugales conduisant à des mesures d’expulsion, mais également un accroissement des requêtes en matière de divorce. 

Dans cette crise sanitaire, il est à relever que les différences et inégalités sociales se sont accentuées et que notamment les familles défavorisées, qui doivent être confinées dans de petits appartements, où vivent plusieurs personnes, sont dans une situation très différente de celle des familles qui cohabitent dans des maisons spacieuses avec jardin.

Ainsi, si pour certains, le mariage était déjà en crise avant la mise en quarantaine, les mesures restrictives de pandémie ont incontestablement accentué la décision de dissoudre le mariage, tandis que, pour d’autres, la crise sanitaire a contribué d’une certaine manière à accroitre le conflit existant dans le couple. 

Bref aperçu de la procédure actuelle au Grand-Duché de Luxembourg en matière de violences conjugales :

La loi modifiée du 8 septembre 2003 sur la violence domestique (ci-après « la Loi »), a créé un cadre de protection des victimes de violence domestique sur tout le territoire et un Comité de coopération des professionnels du domaine de la lutte contre la violence, chargé de fournir un rapport annuel au Gouvernement en la matière.

Conformément à la Loi, dans le cadre de ses missions de prévention des infractions et de protection des personnes, la police, avec l’autorisation du procureur d’État, peut expulser de leur domicile et de ses dépendances, les personnes contre lesquelles il existe des indices qu’elles se préparent à commettre à l’égard d’une personne, avec laquelle elles cohabitent dans un cadre familial, une infraction contre la vie ou l’intégrité physique, ou qu’elles se préparent à commettre à nouveau à l’égard de cette personne, déjà victime, une infraction contre la vie ou l’intégrité physique.

En raison de cette expulsion, l’auteur des violences n’a plus le droit d’entrer au domicile et à ses dépendances, de prendre contact, oralement, par écrit ou personne interposée, avec la personne protégée et de s’en approcher, la police ayant le droit de vérifier le respect de ces interdictions.

La mesure d’expulsion, initialement ordonnée, prend fin de plein droit à 17h00 le 14ème jour suivant celui de son entrée en vigueur, sauf si la personne protégée a introduit, dans ce délai, une requête en prolongation suivant les formalités prévues à l’article 1017-2 du Nouveau Code de procédure civile.

Aux termes de l’article 1017-1 (1) du Nouveau Code de procédure civile, la personne protégée a la possibilité, par simple requête de demander au président du Tribunal d’arrondissement de prononcer à l’égard de l’auteur une interdiction de retour au domicile pour une période maximale de trois mois consécutive à l’expiration de la mesure d’expulsion, et ce sans égard aux éventuels droits réels ou personnels de l’auteur par rapport au domicile.

En cas de non-respect des mesures d’interdictions dont l’auteur est assujetti, ce dernier s’expose aux sanctions pénales de l’article 439 du Code pénal, à savoir un emprisonnement de six mois à deux ans et/ou une amende de EUR 251,00.- (deux cent cinquante-et-un euros) à EUR 3.000,00.- (trois mille euros).

Contrairement à ses voisins, le Luxembourg n’a pas encore pris de mesures extraordinaires pour venir en aide aux victimes. Les mesures en vigueur pour le moment sont donc celles inscrites dans la Loi : à savoir l’expulsion de l’auteur, la prise en charge des victimes par le SAVVD (Service d’assistance aux victimes de violences domestiques) et le service d’assistance pour les enfants, ainsi que le service « Riicht Eraus » de la Croix-Rouge luxembourgeoise qui vient en aide aux auteurs de violence.

Une Helpline 2060 1060 fonctionne pour les victimes de violence domestique (femmes et hommes) afin de réagir à la hausse projetée des violences domestiques dans le cadre de la crise liée au COVID-19. 

Le service « Riicht Eraus », quant à lui, a ouvert une hotline au 2755 5800.

Il est enfin à noter que le législateur a tenu tout particulièrement, en dépit des circonstances particulières liées à la crise sanitaire, à conserver, en faveur des victimes, les mesures de protection établies dans le cadre de la Loi relative à cette matière sensible des violences conjugales, à la différence des déguerpissements opérés dans le cadre des baux.

En effet, conformément à l’article 5 du règlement grand-ducal du 25 mars 2020 portant suspension des délais en matière juridictionnelle et adaptation temporaire de certaines autres modalités procédurales, « les déguerpissements ordonnés en matière de bail à usage d’habitation et de bail à usage commercial sont suspendus ».

Ainsi, force est de constater que la procédure d’expulsion prévue par la loi modifiée du 8 septembre 2003 sur la violence domestique conserve toute son efficacité et son applicabilité malgré la crise sanitaire actuellement présente.

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Pour savoir si la période de confinement a réellement eu un impact sur les faits de violences conjugales et la dissolution du mariage durant cette période de confinement, il faudra encore attendre quelques temps pour permettre le recul nécessaire à l’établissement des données statistiques en la matière.