La proposition défendue par l’étude REAL Avocats est confirmée en instance d’appel au terme d’une procédure à rebondissements

LE RETOUR DU PLAFONNEMENT EN MATIÈRE DE SOUS-LOCATION COMMERCIALE

La proposition défendue par l’étude REAL Avocats est confirmée en instance d’appel au terme d’une procédure à rebondissements

Dans un jugement très attendu rendu en instance d’appel par la IIIème Chambre du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, le juge du bail a confirmé la mise en place d’un nouveau plafonnement des loyers en matière de sous-location commerciale.

Désormais, le loyer d’une sous-location commerciale ne pourra pas dépasser de plus de 10% le loyer payé par le preneur au bailleur principal, majoré de ses frais d’exploitation.

Afin de saisir l’importance et la portée de cette décision, il conviendra de procéder à un bref rappel des événements qui ont précédés cette décision.

Afin de lutter contre la spéculation dont les effets délétères se sont fait particulièrement ressentir sur le marché de la location de biens commerciaux au Luxembourg, une nouvelle loi portant sur le bail commercial et modifiant certaines dispositions du Code civil fut votée le 3 février 2018 par la Chambre des députés.

L’un des objectifs poursuivis par le législateur était de donner un coup d’arrêt à des sous-locations purement spéculatives et génératrices d’un enrichissement, discutable sur le plan éthique, dans le cadre desquelles de nombreux intermédiaires ne prenaient en location des locaux commerciaux qu’en vue de les sous-louer à des prix très élevés, largement supérieurs au loyer qu’eux-mêmes acquittaient au propriétaire desdits locaux.

Afin d’atteindre cet objectif, l’article 1762-6 §. 4 fut introduit dans le Code civil édictant une nouvelle règle selon laquelle « sauf en cas de sous-location où des investissements spécifiques à l’activité du sous-locataire ont été effectués par le preneur, les loyers payés au preneur par le sous-locataire ne pourront être supérieurs aux loyers payés par le preneur au bailleur. »

Désormais, le loyer de la sous-location commerciale ne pouvait plus être supérieur au loyer de la location principale.

Cependant, dans le cadre d’une action en justice introduite sur la base de cette nouvelle disposition par un sous-locataire tendant au recouvrement de la portion de loyer payée à son bailleur au-delà du loyer principal acquitté par ce dernier au propriétaire des lieux, une question préjudicielle fut soumise à la Cour Constitutionnelle.

La question était de savoir si le plafonnement instauré par le législateur était conforme à l’article 11(6) de la Constitution relatif à la liberté du commerce et de l’industrie.

Dans son un arrêt retentissant du 23 décembre 2022, la Cour Constitutionnelle a déclaré que « l’article 1762-6, paragraphe 4, du Code civil, tel qu’introduit par la loi du 3 février 2018 portant sur le bail commercial (…) en ce qu’il ne permet pas à l’opérateur économique, ayant pris en bail un local commercial, de le donner en sous-location moyennant un prix de la sous-location qui lui permette de couvrir ses frais d’exploitation spécifiques à la sous-location et d’escompter un bénéfice raisonnable tiré de la sous-location, est contraire à l’article 11, paragraphe 6, alinéa 1, de la Constitution. »

Néanmoins, la Cour constitutionnelle ne s’est pas limitée à déclarer inconstitutionnelle cette disposition mais, après avoir admis que le but poursuivi par le législateur était légitime, elle a laissé une porte ouverte aux juridictions luxembourgeoises ainsi qu’au législateur afin d’adapter cette loi.

La Cour Constitutionnelle a en effet précisé que : « En attendant une intervention réparatrice du législateur, l’équilibre entre le but légitime recherché par la disposition légale sous examen et la liberté du commerce et de l’industrie est réalisé si le loyer du contrat de sous-location ne dépasse pas le loyer payé par le preneur au bailleur principal, majoré de ses frais d’exploitation relatifs à la sous­ location et d’un bénéfice raisonnable. »

Il s’agissait donc de pour le juge du bail de fixer les nouvelles règles afin de quantifier le « bénéfice raisonnable » auquel pouvait prétendre un commerçant dans l’exercice de l’activité de sous-location commerciale.

Dans le cadre de son jugement du 2 novembre 2023 la justice de paix de Esch-sur-Alzette a décidé de suivre la proposition qui lui a été soumise à l’audience par l’étude REAL Avocats et a considéré que ce bénéfice raisonnable devrait être fixé, non pas in concreto (au cas par cas) en tenant de compte de critères propres à chaque litige qui pourrait survenir, mais sur base d’un pourcentage déterminé et applicable de façon identique à chaque cas d’espèce.

Ce faisant, l’ensemble des justiciables seront en possession d’une méthode de calcul simple, qui aura également pour avantage de limiter le nombres de litiges potentiels qui pourraient naître dans cette matière en pleine transformation.

Le Tribunal de paix a ainsi considéré que le bénéfice raisonnable auquel pourra prétendre un commerçant en matière de sous location commerciale pourra être calculé sous la forme d’une marge commerciale de 10 % sur le loyer principal.

En d’autres termes, le loyer du contrat de sous-location ne pourra pas dépasser de plus de 10% le loyer payé par le preneur au bailleur principal, majoré de ses frais d’exploitation relatifs à la sous­ location.

Les termes exacts de la décision sont les suivants :

« Conformément aux développements de la société 1 (le sous-locataire), le tribunal considère qu’il y a lieu de fixer un pourcentage déterminé du loyer auquel pourra prétendre le locataire principal s’il procède à la sous-location.

Cette façon de procéder évite aux parties de recourir dans chaque dossier à la nomination d’un expert et elle a l’avantage de procurer une certaine sécurité juridique au niveau du calcul du prix des sous-locations commerciales.

Le tribunal considère qu’un taux de marge de 10% sur le loyer principal constitue un juste équilibre permettant au locataire principal de tirer un bénéfice raisonnable de son activité de sous-location sans pour autant augmenter de manière démesurée la charge supplémentaire imposée au sous-locataire qui exploite les lieux en sa qualité de commerçant par rapport au loyer qu’il aurait di1 payer s’il avait contracté directement avec le propriétaire des lieux loués. »

À l’encontre de cette décision, appel fut interjeté par le locataire principal.

Dans son jugement du 7 mai 2024, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg à confirmer, en instance d’appel, le jugement du tribunal de paix d’Esch-sur-Alzette en ces termes :

« À l’instar du premier juge, le tribunal de céans décide qu’il y a lieu de fixer, à titre de bénéfice raisonnable, un pourcentage déterminé du loyer auquel pourra prétendre le locataire principal s’il procède à la sous-location.

C’est encore à bon droit que le juge de paix a retenu que cette façon de procéder évitera aux parties de recourir dans chaque dossier à la nomination d’un expert et elle a l’avantage de procurer une certaine sécurité juridique au niveau du calcul du prix des sous-locations commerciales.

En effet, admettre le contraire, reviendrait à soumettre chaque contrat de sous-location individuellement à une évaluation préalable par dires d’expert, sinon de saisir le juge en cas de désaccord des parties au contrat de sous-location quant à la marge retenue par l’expert. Une telle approche, laissant les contrats de sous-location en incertitude pendant le temps des opérations d’expertise, sinon procédure judiciaire ne serait aucunement compatible avec les exigences de rapidité et de sécurité juridique exigées en matière de bail commercial et en matière commerciale en générale […].

[…] Dans ces conditions, le tribunal décide, par confirmation du jugement entrepris, qu’un taux de marge de 10% sur le loyer principal constitue un juste équilibre permettant au locataire principal de tirer un bénéfice raisonnable de son activité de sous-location, sans pour autant augmenter de manière démesurée la charge supplémentaire imposée au sous-locataire qui exploite les lieux en sa qualité de commerçant par rapport au loyer qu’il aurait dû payer s’il avait contracté directement avec le propriétaire des lieux loués. »

Suite à cette confirmation sans détour de la part du juge d’appel, le nouveau plafonnement applicable en matière de sous-location commerciale semble donc solidement installé pour l’avenir.

En effet, seule une décision de la Cour de cassation pourra désormais rebattre les cartes dans cette matière.

Il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une décision qui nous semble aller dans le bon sens, dans la mesure où elle a pour vertu d’instaurer un équilibre souhaitable entre le respect de la liberté du commerce et la lutte contre les opérations spéculatives, tout autant qu’elle permettra de préserver la sécurité juridique des justiciables.