UN NOUVEAU PLAFONNEMENT DES LOYERS EN MATIERE DE SOUS-LOCATION COMMERCIALE

Sous-location commerciale :

Dans le cadre d’une décision très attendue où l’étude REAL Avocats a le privilège de défendre les intérêts d’une société sous-locataire d’un local commercial, la justice de paix d’Esch-sur-Alzette vient de préciser la notion de bénéfice raisonnable suite à l’intervention de l’arrêt de la Cour Constitutionnelle du 23 décembre 2022. La suite dans cet article.

Un jugement rendu par la justice de paix de Esch-sur-Alzette en date du 2 novembre 2023 vient d’apporter une clarification très attendue en posant les limites des nouvelles restrictions applicables en matière de fixation des loyers dans le cadre de la sous-location commerciale.

Pour rappel, dans le cadre d’un arrêt retentissant rendu en date du 23 décembre 2022, les juges de la Cour Constitutionnelle de Luxembourg ont estimé que le plafonnement légal du loyer en matière de sous-location commerciale qui avait été institué par la loi du 3 février 2018 modifiant le Code civil (art. 1762-6 §. 4) n’était pas conforme à la Constitution luxembourgeoise dans la mesure où il constituait une restriction disproportionnée à la liberté de commerce et de l’industrie.

Toutefois, soucieuse de pas réduire à néant les mesures prises par le législateur afin de limiter les opérations spéculatives au détriment du marché de la location et du développement des activités commerciales industrielles et artisanales, la Cour constitutionnelle a pris le soin de laisser une porte ouverte à la mise en place d’un régime transitoire dans l’attente du vote d’une nouvelle loi rectifiée.

La Cour Constitutionnelle a en effet précisé dans son arrêt du 23 décembre 2022 que :

« En attendant une intervention réparatrice du législateur, l’équilibre entre le but légitime recherché par la disposition légale sous examen et la liberté du commerce et de l’industrie est réalisé si le loyer du contrat de sous-location ne dépasse pas le loyer payé par le preneur au bailleur principal, majoré de ses frais d’exploitation relatifs à la sous­ location et d’un bénéfice raisonnable. »

En procédant de la sorte, la Cour constitutionnelle a ainsi laissé le soin aux juridictions luxembourgeoises de déterminer les modalités d’application de ce nouveau régime transitoire.

Dans le cadre de son jugement rendu en date du 2 novembre 2023, la Justice de paix de Esch sur Alzette a eu l’occasion de se prononcer sur cette épineuse question.

La question la plus complexe consistait pour le juge à préciser et encadrer la notion de bénéfice raisonnable auquel peut prétendre un commerçant dans le cadre de son activité de sous-location commerciale en tenant compte de deux impératifs de natures opposées, à savoir :

  • d’une part, le respect de la liberté du commerce et de l’industrie autorisant le bailleur à tirer profit de son activité et,
  • d’autre part, la lutte contre les opérations spéculatives consistant à donner en location des locaux commerciaux pour les sous-louer par la suite, à des prix nettement supérieurs.

En réponse à cette question, le Juge de paix a décidé de suivre la proposition qui lui a été soumise à l’audience par l’étude REAL Avocat et a considéré que ce bénéfice raisonnable devrait être fixé, non pas in concreto (au cas par cas) en tenant de compte de critères propres à chaque litige qui pourrait survenir, mais sur base d’un pourcentage déterminé et applicable de façon identique à chaque cas d’espèce.

Ce faisant, l’ensemble des justiciables seront en possession d’une méthode de calcul simple qui aura également pour avantage de limiter le nombres de litiges potentiels qui pourraient naître dans cette matière en pleine transformation.

Le Tribunal de paix a ainsi considéré que le bénéfice raisonnable auquel pourra prétendre un commerçant en matière de sous location commerciale pourra être calculé sous la forme d’une marge commerciale de 10 % sur le loyer principal.

En d’autres termes, le loyer du contrat de sous-location ne pourra pas dépasser de plus de 10% le loyer payé par le preneur au bailleur principal, majoré de ses frais d’exploitation relatifs à la sous­ location.

Les termes exacts de la décision sont les suivant:

« Conformément aux développements de la société 1 (le sous-locataire), le tribunal considère qu’il y a lieu de fixer un pourcentage déterminé du loyer auquel pourra prétendre le locataire principal s’il procède à la sous-location.

Cette façon de procéder évite aux parties de recourir dans chaque dossier à la nomination d’un expert et elle a l’avantage de procurer une certaine sécurité juridique au niveau du calcul du prix des sous-locations commerciales.

Le tribunal considère qu’un taux de marge de 10% sur le loyer principal constitue un juste équilibre permettant au locataire principal de tirer un bénéfice raisonnable de son activité de sous-location sans pour autant augmenter de manière démesurée la charge supplémentaire imposée au sous-locataire qui exploite les lieux en sa qualité de commerçant par rapport au loyer qu’il aurait dû payer s’il avait contracté directement avec le propriétaire des lieux loués.»

Reste à préciser que cette décision a été rendue en première instance, de sorte qu’elle est toujours susceptible de faire l’objet d’une procédure d’appel et ne peut donc pas encore être assimilée à une véritable jurisprudence.

Il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une décision qui nous semble aller dans le bon sens, dans la mesure où elle a pour vertu d’instaurer un équilibre souhaitable entre le respect de la liberté du commerce et la lutte contre les opérations spéculatives, tout autant qu’elle permettra de préserver la sécurité juridique des justiciables.