Projet de loi portant réforme de l’exécution des peines pénales: Le système judiciaire luxembourgeois pénal se dotera-il finalement d’un magistrat dédié spécifiquement à l’application des peines ?

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REAL, Avocats à la Cour

Lorsque le Tribunal d’arrondissement ou la Cour d’appel prononcent une peine pénale à l’égard d’une personne, cette peine doit par la suite être exécutée et mise en application par le Parquet. En effet, l’exécution des peines est une expression générique désignant la mise à exécution des sentences pénales, l’application des peines et le post-sentenciel.

L’application de la peine pénale désigne plus précisément la dernière phase du procès et donne véritablement un sens à l’activité judiciaire réalisée précédemment. En effet, quel sens donner à une peine non appliquée ou exécutée ?

Au Luxembourg, un projet de loi n° 7041 portant réforme de l’exécution des peines a été déposé le 31 août 2016 avec pour objectif de réformer et moderniser le système de l’exécution des peines. A cet égard, dans le cadre d’une conférence de presse en date du 22 septembre 2016, le ministre de la Justice, Félix Braz, a présenté les grandes lignes de cette réforme, à savoir notamment l’innovation majeure de l’introduction d’une chambre de l’application des peines compétente pour statuer sur les recours introduits par des personnes condamnées contre des décisions prises par le procureur général d’Etat et son délégué en matière d’exécution des peines.

Si cette réforme, longuement attendue dans le domaine crucial de l’exécution des peines, mérite d’être accueillie, force est de constater que certains points demeurent cependant encore sujets à amélioration, en comparaison avec nos voisins européens, notamment la France, qui, elle, est dotée d’une véritable juridiction en matière d’application des peines.

En particulier, tel que l’ont relevé la Commission Consultative des Droits de l’Homme (ci-après la « CCDH ») du Grand-Duché de Luxembourg dans son avis 02/2017 et l’Association Luxembourgeoise des Avocats Pénalistes dans son avis en date du 13 octobre 2017, la réforme ne prend pas en compte la critique principale adressée au système actuel de l’exécution des peines luxembourgeois concernant le fait que les décisions relatives aux modalités d’aménagement des peines, tant privatives que non privatives de liberté, soient prises par le Parquet qui a initié les poursuites contre la personne qui subi sa peine, et non pas par un organe juridictionnel.

La Cour Européenne des Droits de l’Homme a, en effet, eu l’occasion de juger qu’un membre du Ministère Public ne peut pas être qualifié de juge ou de magistrat habilité à exercer des fonctions judiciaires (arrêt Medvedyev c/ France du 29 mars 2010 et arrêt Moulin c/ France du 15 décembre 2010).

Dans cette optique, il semblerait que la meilleure solution pour que le système actuel soit conforme à de telles exigences, serait de confier l’exécution des peines à un juge de l’application des peines, dont les décisions pourraient être appelées devant la Cour d’appel.

Une telle solution permettrait également de résoudre le problème, soulevé par la CCDH, relatif au fait que la réforme actuelle envisage d’ouvrir un recours devant le Cour d’appel contre des décisions prises par le Parquet général ou le directeur de l’administration pénitentiaire, qui ne sont pas à considérer comme étant des décisions juridictionnelles.

A cet égard, il convient de souligner l’inflation législative dont a fait l’objet le modèle français, permettant d’aboutir à une véritable juridictionnalisation de l’application des peines.

En effet, la France est dotée d’un magistrat dédié spécifiquement à cette matière : le juge d’application des peines, dont le rôle est de fixer les modalités des peines privatives et restrictives de liberté en orientant et en contrôlant les modalités d’exécution et d’application des peines dans un but premier de réinsertion des personnes condamnées. Par ailleurs, les jugements rendus par le juge d’application des peines ou le tribunal d’application des peines (composé de trois juges d’application des peines) peuvent faire l’objet d’un appel devant la Chambre de l’application des peines et cette dernière rend des arrêts susceptibles de faire l’objet d’un pourvoi en cassation.

A la différence du modèle français, le projet de réforme lui ne garantirait pas le principe du double degré de juridiction, tel que posé à l’article 5§4 de la Convention européenne des Droits de l’Homme.

L’instauration d’un magistrat qui serait lui seul compétent pour l’application et l’exécution des peines pénales permettrait ainsi au Luxembourg de se conformer finalement à l’avis de la Cour Européenne des Droits de l’homme, donnant lieu à une meilleure séparation des pouvoirs entre le Parquet et la magistrature.

Ainsi si le projet de loi n° 7041, combiné à celui portant réforme de l’administration pénitentiaire (n° 7042), représente indéniablement un progrès de première importance dans le domaine crucial de l’exécution des peines en faisant de la réinsertion du condamné dans la société un objectif principal, force est de constater qu’il ne reflète cependant qu’une avancée timide vers l’instauration d’une véritable juridictionnalisation de l’application des peines.